Notre
objectif, l'Argentine et Salta où nous devons retrouver Mamie
Chantal et Kévin le 18 février. Pour cela, une seule route :
le Paso del Agua Negra, à 4 765m au dessus du niveau de la mer,
soit à 4 165 m au-dessus de notre point de départ et à ce
jour notre record en altitude. Nous avons lu et entendu parler du mal
de montagne. Nous décidons donc d'y monter prudemment, en s'arrêtant
manger vers 2 500 m et dormir à 3000 m et en ne passant le col
et la frontière Argentine que le lendemain. Nous sommes donc parés,
confiants qu'en respectant notre programme et en ne s'arrêtant en
aucun cas dormir au point le plus haut, nous serons à l’abri de
tout danger. Mais notre camping-car n'adore pas les plans qui se
déroulent sans accrocs. Corentin, beaucoup plus calé en mécanique
va donc vous raconter la suite...
Après
un plein d'essence anodin à la station Shell de Vicuna, nous
entamons donc la montée. La douane Chilienne est passée sans
encombre. Nous leur précisons que nous dormirons une nuit entre les
deux frontières vu les distances à parcourir. Il fait très chaud.
La température dépasse les 40°C dans le camping-car malgré
l'altitude. Le moteur commence à chauffer, alors on met le chauffage
pour le refroidir et nous avons encore plus chaud. Il n'y a pas
vraiment d'endroit où s'arrêter, j'espère que le moteur va tenir
jusqu'à un passage plus large. Soudain, on cale dans une pente
légère mais étroite à 3000m ! Sous le capot le bol de
décantation du pré-filtre contient un liquide en ébullition qui ne
ressemble pas vraiment à du diesel et qui goutte par le robinet de
purge. On laisse refroidir et après quelques essais de démarrage,
la batterie tombe en panne. Un pick-up s'arrête et tente de nous
faire redémarrer d'abord à l'aide de pinces puis en nous tirant. A
défaut d'y arriver, il nous dépose en sécurité sur un terrain
plat devant une bergerie. Le berger, le copain du berger et celui qui
connaît le copain du berger y vont chacun de leur méthode et de
leurs certitudes pour réparer. Au final notre panne les rend tous
chèvres et ils nous laissent la nuit tombée avec le berger, sa
femme, ses enfants et le troupeau. Le deuxième objectif de notre
plan est donc atteint, passons finalement la nuit à 3 000 m. Le
lendemain, je vais chercher de l'aide et m'offre une belle randonnée
d'altitude sur le ripio. Pendant ce temps, les enfants du berger
visitent le camping car et jouent avec Timéo et Léonis aux duplos,
petites voitures... Séverine prend même des photos à leur demande.
Je finis par revenir et quelques heures plus tard c'est « le
meilleur garagiste du Chili », dixit le carabinero qui
l'accompagne, qui entre en scène. Verdict : le joint au milieu
du filtre n'est pas bon, il faut le changer (ma pensée : «tien
j'avais l'impression que çà coulait plutôt du bas »), et
d'ailleurs il sert à rien (pensée : « ah bon, ben
pourquoi ils le vendent avec ? »). Et la batterie est
morte (pensée : « Ah ! Cà, çà m'étonne
pas, j'ai justement un problème d'alimentation du frigo »).
Après bidouillage, Ratatouille redémarre avec ordre de ne pas
couper le moteur avant la douane argentine. Excellent conseil que
nous aurons la bêtise de suivre. Prêt, feu, part... « t'as vu
l'appareil photos ? - non ». On fait traîner un peu le
départ en espérant que les enfants nous le rendent mais la montre
joue contre nous et vous offre un article en noir et blanc.
On
monte et malgré quelques frayeurs sur des côtes un peu plus
accentuées où le moteur semble peiner même en première, nous
arrivons au sommet. Une fois en haut, on souffle un peu en prenant
soin de ne pas couper le moteur...qui le fait tout seul au bout d'une
trentaine de secondes. Après quelques tentatives désespérées de
redémarrer en profitant de la pente, puis en bidouillant le moteur,
la nuit tombe et on ne peut que constater qu'il va falloir dormir au
sommet de notre Mont Blanc (4 760 m). Là ce n'est plus du tout le
plan. On pose un peu de signalisation en amont et en aval au cas ou,
très improbable, un véhicule passerait de nuit (les deux frontières
sont fermées) et on va tenter de se coucher. Très vite l'altitude
se fait sentir. On est tous essoufflés, même si Léonis semble en
pleine forme. Timéo lui est patraque et nous deux pas mieux. La
tisane de coca n'est pas suffisante pour passer une nuit sereine. Les
parents passent un nuit blanche attentifs au moindre soubresaut des
petits. Timéo passe un nuit correcte et Léonis semble gêné par le
souffle court mais pas malade. Le jour tant attendu fini par arriver.
C'est un réveil glacial, le fond de tisane a gelé et le diesel
aussi. Les passagers sont épuisés et mal en point. Les voitures
passent nous promettant d'avertir les douaniers argentins mais le
diesel est totalement dégelé, et le déjeuner mangé et il n'y a
toujours pas le moindre secours. On décide d'envoyer Séverine en
expédition ce qui lui permettra également de redescendre de
quelques mètres pour retrouver des couleurs. Elle est à peine
partie qu'un Land Rover interrompt notre partie de Monopoly. Le
couple de voyageurs, chemise et bermudas impeccables pour monsieur et
jupe longue et coupe de cheveux droite pour madame, se propose de
nous aider dans un anglais très british. Câbles, desserrage d'un
injecteur, court circuitage du préfiltre, tout est mis en œuvre
pour démarrer. Et après quelques essais c'est le succès !
Alors vite tout est remballé avec Mr, pendant que Mrs maintient
appuyée la pédale d’accélérateur. Et nous décollons direction
la douane Argentine avec une inquiétude de Timéo : « on
a perdu Maman ! ». Alors tant pis pour le reste de repas,
la vaisselle sale et les placards mal fermés, nous roulons.
Pendant
ce temps, Séverine arrive à la douane, constate que les
fonctionnaires n'ont pas été alertés et les convainc d'intervenir
(sa mine déplorable aide) en insistant bien : « oui on
est quelques mètres après la frontière Argentine, non on n'est pas
au Chili ». Le douanier n'ose tout de même pas nous demander
de marcher pour repasser la frontière vers le Chili et décide de
venir à notre secours. Le problème c'est que le dimanche les
mécaniciens sont fermés, ils font donc appel à un intervenant
non-officiel qui prépare son équipement pour nous redescendre en
nous tirant.
En
plein élan pour la douane Argentine, un coup de klaxonne résonne à
proximité du camping-car puis un deuxième. Ça y est, maman est
sauvée !
Le
passage en douane est particulièrement facile, les fonctionnaires
sont trop contents de se débarrasser de ce camping-car de français
qu'ils attendent depuis trois jours. Après rémunération élevée
du remorqueur qui n'a rien fait, on part dormir pour de bon au bord
du Lago del Viento (le lac du vent. On cherche vraiment les problèmes
de sommeil). Retour à la vie le lendemain. Grasse mâtinée et grand
nettoyage du chaos qui s'était installé dans notre casa rodante.
On
emprunte à nouveau la ruta 40 qui enchaine les déserts et les
quebradas. Après une étape dans le village tranquille de Villa
Union on atteint la ville de Chilecito. Sur le trajet, les
conséquences de notre panne en altitude apparaissent, le moteur est
bridé à 80 km/h. On passe donc au garage Bosh qui diagnostique un
encrassement des injecteur mais surtout une panne sur le turbo. Après
un décrassage le moteur retrouve de la puissance. Pour fêter çà,
on a la chance de tomber le jour du carnaval. Cela se place autour
d'une place et dans les rues contiguës où toute la ville se
retrouve pour partager bière, Coca-cola, choripan (saucisses grillés
dans du pain), asado et empanadas. Mais la principale attraction est
la neige synthétique et la farine avec lesquelles les enfants et les
adultes s'aspergent les uns les autres. Certains sont très équipés
avec, foulard de protection et lunettes. Timéo et Léonis profitent
eux de la musique et dansent. Timéo fait tout pour se faire arroser
tandis que Léonis est un peu effrayé. On ne restera pas pour voir
le défilé de char qui arrivent un peu tard pour nous.
C'est
à Villa Mazan, un village entouré d'oliveraies que nous ferons
l'étape suivante. Le jardinier sur la place nous expliquera que
quelques jours avant d'autres français avec un enfants ont passé la
nuit là sous leur tente. Mais eux ils faisaient tout le parcours en
vélo. Bon, dés que Timéo quitte les petites roues on en reparle.
Arrivés à San Fernando del Vallee de Catamarca, on se lance dans
les ravitaillements diesel, eau et alimentation (à Carrefour qui est
cher et moins bon que les autres supermarché). On part surtout à la
recherche d'une batterie neuve puisque le supermécano chilien
l'avait diagnostiquée morte. Délestés de pas mal de pesos, on
profite d'un grand parc de jeu pour installer la nouvelle pile.
Changement réussi et on repart pour trouver un bivouac avec un peu
plus de fraîcheur. On vise un village un peu plus au nord, La
Merced. Vers 19h, à une quarantaine de km de la ville et quelques km
de la Merced, la radio s'éteint, puis le tableau de bord, puis les
feux et le moteur. Par chance, cela se passe au niveau d'une aire de
stationnement pour peser les poids lourds sur laquelle nous
réussissons à nous glisser grâce à l'élan. Quelques tests sur
les fusibles, puis la nuit tombe, et on commence à deviner que notre
pseudo problème de batterie était plutôt un problème
d'alternateur. Après une bonne nuit grâce à ce bivouac chanceux,
nous retournons à Catamarca après avoir installé une batterie de
la cellule (qui sert normalement à faire fonctionner les lampes, les
prises 12v etc...). C'est avec soulagement qu'on se gare devant le
spécialiste local des alternateurs. Habitués aux garages, on se
prépare à une réparation longue et Séverine en profite pour
partir avec Timéo à la recherche d'un recharge téléphonique. Mais
l'iguane égaré en plein ville qui se faufile sous les roues de
Ratatouille devait être porte bonheur puisque en un demi-heure de
temps, l'alternateur fonctionne à nouveau et la batterie charge. Ce
n'est qu'à ce moment que l'on comprend exactement ce qui s'est passé
au passo Agua Negra et qu'on prend toute la mesure de la médiocrité
du supermécano chilien des carabineros. La chaleur, la montée, et
la présence d'eau dans le diesel ont fait chauffer fortement le
moteur et en particulier le turbo. Ce dernier à fait bouillir le bol
du préfiltre qui se trouvait malencontreusement juste au dessus. La
fuite de diesel a provoqué simultanément l'arrêt du moteur et a
coupé le fil électrique qui permet à l'alternateur de charger la
batterie. Pour ceux qui n'ont pas suivi on fera un schéma à notre
retour, mais, en clair, le véhicule est réparé et nous nous
trouvons avec un pré-filtre en moins et une batterie en trop.
On
atteint enfin la Merced pour trouver un repos bien mérité. Ah ben
non ! C'est vendredi et on est garé sur la place qui sert de
boîte de nuit et de piste de course pour véhicules en tout genre.
On prend la route de montagne et on quitte le bruit, la chaleur et
les paysages désertiques. Tafi del Vallée est un village huppé
dans les préandes on y passe la nuit puis on franchit le col ou nous
verrons notre premier élevage de Lamas. Zut, plus d'appareil. On
redescend pour atteindre Aimacha del Vallée en plein carnaval
traditionnel indien. C'est comme les autres carnavals mais ils
ajoutent l'artisanat local et surtout la peinture rouge et noire à
l'incontournable neige carbonique. Ce qui nous permet de glisser
l'unique photo de cet article.
C'est
avec cette tête tout droit sorti des mines que nous nous présentons
à la garde des ruines de Quilmes pour y passer la nuit et les
visiter le lendemain. Les Quilmes sont un peuple indien ayant vécu
au Xième siècle et qui créèrent une cité de 5000 personnes. Ils
furent décimés par les Espagnols. Les bas murs restant témoignent
de l'importance de la ville qui s'étend sur plus de 30 hectares.
Timéo et Léonis s'amusent beaucoup dans toutes ces cabanes.
A
Cafayate, on rejoint les vignobles, et la surprenante quebrada de
rocs rouges mais comme nous y reviendrons avec un appareil photos
j'en reste là pour la description. Avant d'atteindre en avance Salta
nous faisons une dernière halte prés du Lac de la Dique del Corral
dont les riches villas nous rappellent le lac de Côme.