Les
« routes secondaires » et le ripio, on adore ; c'est
reparti.On évite la ville de Trelew et arrêt à playa Escondida.
Après une piste un peu pentue, on se retrouve sur une grande plage
isolée envahie d'éléphants de mer. On est tellement bien qu'on
passe deux jours sur place. On en profite pour un nettoyage de
Ratatouille. La poussière s'infiltre partout avec les pistes et les
allergies deviennent gênantes à la longue. On a le stock de
mouchoirs à portée de main quand on roule. On prend aussi le temps
de cuisiner : crêpes party ! Avec Léonis à la pâte. On
sort les cerfs-volants. Mais, le vent patagonien est impressionnant.
L'un des cerfs-volants casse et on a juste le temps de le voir voler
puis plonger dans l'océan. Léonis reste inconsolable. Il sera
plusieurs jours à pleurer en regardant la mer. Grâce à cette
mésaventure, il retiendra une couleur de plus, le rouge, celle de
son regretté cerf-volant.
Les
plages de bout du monde nous plaisent. Alors on continue, direction
Camarones et Cabo Dos Bahias. En chemin, le temps change. Le vent et
la pluie arrivent assez soudainement. La température extérieure
passe de 18°C à 6°C en moins de 2h. On appréhende la sortie du
camping car. Finalement, on récupère tout aussi rapidement quelques
degrés dés que la pluie s'arrête.On croise les Hédonistes et les
Mêmepascap qui en reviennent ; ils sont enchantés. Timéo
pleure à l'arrière. Il pensait retrouver Charles. Camarones est un
petit village de pêcheurs à près de 80km de la RN 3 (la route
principale), avec absolument rien autour (hormis les Malvinas à
quelques centaines de kilomètres et qui sont argentines bien sûr).
On fait rapidement le tour des habitations. Et surtout, on trouve des
couches pour Léonis. Dans notre euphorie de grands paysages on avait
oublié ce détail. Léonis a lui résisté au stress de la pénurie
et c'est avec une parfaite sérénité qu'il a entrepris de pas
progresser vers la propreté. Première soirée sur une plage
désertique à la sortie du village, playa de Elola. Asado
obligatoire.
Après
un rapide désensablement, même le camping-car ne voulait pas
quitter la plage, nous rejoignons Cabo Dos Bahias, une réserve
naturelle isolée près de Camarones. Nous retrouvons une gigantesque
colonie de pingouins de Magellan. Et, par chance, nous arrivons à la
saison des naissances. On voit des œufs et plein de poussins. Le
paysage est également spectaculaire. Entre deux sorties
d'observation on déguste quelques délicieuses cerises de novembre.
Le
soir, on se pose sur une plage, apparemment face à la maison (ou
ex-maison? les lecteurs de Voici nous le dirons) de Florent Pagny. On
adore le lieu. On reste deux jours. Détente pour les parents et
cuisine pour les enfants. Ils inventent des plats extraordinaires
avec des cailloux, du sable et des bâtons. Quelle
imagination !Pendant ce temps, les sternes multiplient les
piqués pour pêcher, rejointes par les manchots et les cormorans. Et
la nuit est calme, ni vent ni même un « vous n'aurez pas ma
liberté de penser ». Sur le chemin du retour, on prend en stop
Mario qui travaille pour une coopérative regroupant les terres
d'estancias (ranch) longue de 120km et large de 70km et rassemblant
70 000 moutons, tous destinés à fournir Benetton.
Un peu de route pour rejoindre Comodoro Rivadavia (la grande ville) et bivouaquer juste après sur Rada Tilly (la petite station balnéaire attenante). Le bivouac est purement stratégique. On veut changer les pneus, aller chez le coiffeur, faire le plein d'eaudieselnourriture, accéder à internet et au passage fêter mon anniversaire. A quelques kilomètres de la fin d'étape, un étrange frottement se fait entendre à l'arrière. On se rassure : « çà doit être la voiture qui nous a doublés ». Nouveau bruit. Arrêt en bord de route. Vérification sous le véhicule. Rien. Le bruit se poursuit et nous plonge pour les dernières minutes du parcours dans une réflexion sur les causes et conséquences d'un « frrr » en mécanique automobile. Face à la plage, on tente d'oublier la journée pénible qui s'annonce le lendemain. Heureusement aucun cauchemar mécanique ne viendra troubler notre sommeil. Ce dernier ne sera pas non plus au rendez-vous. Un vent violent s'abat en rafales toute la nuit et la matinée sur le camping car faisant claquer les lanterneaux, siffler les parois et tanguer notre maison sur pneumatiques. Léonis, le roi des réveils nocturnes, dormira comme un loir. C'est donc un peu fatigués que je fêterai mon anniversaire. Pour l'occasion, j'ai le droit à la visite de trois garages, à un déjeuner dans la zone industrielle et pour démarrer, à un tour à la laverie et au supermarché. Le soir, soulagée d'avoir pu changer les pneus je souffle mes bougies, un verre de Champagne argentin à la main, digne d'un cru français. On ne finira pas la bouteille, il faut mettre le réveil à sonner pour le lendemain afin d'être à l'heure (8h30) chez « l’empereur du frein ».
Après
un petit déjeuner devant chez son excellence freinesque, ce dernier
démonte nos roues arrières remet tout dans le bon ordre et supprime
le « frrr » (pour les férus de mécanique, le bruit
était du à la molette de réglage qui s'était décrochée). ça y
est ! Des pneus neufs, des freins définitivement réparés,
nous voilà fin prêt pour affronter les pentes des Andes. Mais le
calendrier du frigo nous rappelle à l'ordre. Il devient urgent pour
le Père Noël de faire ses emplettes. Nous nous lançons donc
courageusement dans le seul bouchon de toute la patagonie pour
atteindre une heure plus tard deux supermarchés pour riches
(Comodoro Rivadavia est une ville pétrolière qui accueille de
nombreux expatriés) The Mall et Carrefour, dans l'espoir d'y
dénicher des playmobils. Deux magasins qui se révèlent en cours de
construction. Que les lutins de Noël se rassurent, nous trouverons
notre bonheur dans un magasin du centre. Pour se relaxer et faire
taire les discussions sur nos look capillaires nous passons tous
entre les mains des coiffeuses locales qui se révèlent également
expertes en trépanation à coups de peigne dans le cuir chevelu.
C'est avec des cheveux en moins et des irritations en plus que nous
rendons visite à la colonie de lions de mer qui a élue domicile au
pied de la falaise voisine : Punta Marquès. Malheureusement à
marée haute ils sont tous dans l'eau. Du haut, on ne voit pas grand
chose sans les jumelles réquisitionnées par Léonis, comme
d'habitude. On passera plus de temps à discuter des habitudes des
lions de mer et de lieux à visiter avec les guardaparques qu'à
regarder les animaux.
Après
une
étape
en
ville,
on
a
toujours
besoin
de
s'isoler
un
peu
et
les
enfants
de
se
défouler.
On
ne
roule
alors
que
très
peu
jusqu'à
Caleta
Olivia.
En chemin on déjeune sur la plage, mais dans le camping-car (à
cause du vent) fiers d'avoir désensablé un couple argentin quelques
minutes plus tôt. Nous ne serons ainsi pas les premiers
bénéficiaires de notre corde de traction. A
la
sortie
de
Caleta Olivia,
une
colonie
de
lions
de
mer
nous
attend.
Le
lieu
n'est
pas
de
toute
beauté.
Une
sorte
d'aire
de
repos
sauvage
accueille
les
routiers
et
les
touristes
D'un
côté
la
mer
et
les
lions
de
mer
et
de
l'autre
des
puits
de
pétrole
et
le
désert.
Mais
l'avantage,
il
n'y
a
pas
de
barrière
ou
de
falaise.
On
pourrait
presque
toucher
les
lions
de
mer.
(nous
n'avons
pas
essayé.)
Et
on
est
tranquille ;
les
enfants
peuvent
courir,
faire
du
vélo...
A la différence de leur cousin les éléphants de mer, les lions
sont plus actifs et donc plus intéressants à observer, même si ils
ont troqué les yeux expressifs de ceux-ci contre une odeur à faire
fuir le plus affamé des chasseurs.
L'étape suivante est un petit coin de paradis. La ville de Puerto Deseado est assez agréable avec tous les services. On s'arrête près de Darwin expedicion, une agence qui propose des sorties en mer. On se décide finalement pour la sortie sur l'isla Pinguina (merci mamie Chantal). Et on ne le regrettera pas. Léonis est prêt très rapidement le matin lorsqu'on lui dit qu'on va prendre le bateau ; et pour une fois Timéo aussi. La traversée en bateau dure une bonne heure. L'île est à 30km en mer. A l'aller, une mer d''huile. Nous apercevons des pingouins de Magellan et des lions de mer avant d'arriver sur l'île, envahie de pingouins. Mais le clou du spectacle se trouve de l'autre côté de notre lieu de débarquement, une colonie de gorfous sauteurs. On reste un bon moment à les admirer avec un verre de maté. On les voit couver, sauter, plonger, nager...Il faut finalement repartir. Une colonie de lions de mer est également visible, au péril de notre vie. Il faut traverser un champ surveillé par des sortes de goélands (des eskuas) très irrités qui nous foncent clairement dessus. En fait, ils font leur nid à même le sol (il n'y a pas d'arbre sur l'île) et c'est la saison des naissances. Ils n'apprécient donc pas du tout notre passage. Je reçois donc un bon coup derrière la tête et Corentin un coup d'aile sur la joue qui lui fera mal un moment. On poursuit la ballade les mains en l'air pour les effrayer. L'aventure, c'est pas toujours de tout repos ! Pendant le pique nique le vent se lève. La traversée se fait sur une mer nettement plus agitée. Léonis est aux anges. Timéo est moins rassuré. Avant d'arriver dans la ria nous croisons des toninas (dauphins de Commerson). Ils nagent près du zodiac. On s'arrête. Encore un moment magique. Le retour est plus difficile. Léonis ne veut plus enlever son gilet de sauvetage et il tente de s'embarquer comme passager clandestin dans le zodiac.
On
quitte donc l'isla pinguina à regret. Mais à la sortie de la ville,
la ria Deseado est un bonheur pour les yeux. On passera 3 jours
fabuleux, dans un paysage enchanteur. Le vent et la pluie ne nous
délogeront pas facilement. C'est un ancien cours d'eau qui a cédé
la place à la mer sur près de 42km. Côté océan, des îles avec
manchots, cormorans, et côté terre des canyons. Il y a quelques
montées et descentes spectaculaires pour Ratatouille mais on fera le
circuit complet jusqu'au canadon del puerto. Ce sera aussi l'occasion
d'admirer la persévérance des argentins à faire l'Asado le
week-end même par vent de tempête. Et tant mieux pour nous si ce
dernier est suffisamment violent pour couvrir le son du groupe
électrogène installé à côté de nous pour mieux voir les steaks
griller. « Celui qui dit qu'il y a du vent à Boulogne-sur-Mer
n'a jamais mis les pieds en Patagonie » (Bruce Chatwin). On y
appréciera une nouvelle fois le yoyo du thermomètre. Un jour
tee-shirt / shirt et le lendemain combinaison de ski.
Toujours
dans l'extraordinaire, on rallonge un peu notre itinéraire pour les
bosques petrificados (forêts pétrifiées). On se croirait dans un
film de science fiction. Ce sont les vestiges d'anciennes forêts qui
recouvraient la région au jurassique. Les volcans suivis de la
glaciation transformèrent le paysage. Les cendres ensevelirent les
arbres. L'eau, avec les sels minéraux cristallisa le tout. Et en se
décomposant, la matière organique laissa des répliques à
l'identique de ces arbres, en pierre. Le résultat est impressionnant
de réalisme. On a vue sur le volcan Madre e Hija qui est à
l'origine de ces transformations pendant la petite randonnée. Timéo
est excité, depuis le temps qu'il nous parle de volcans. Mais, il
espérait peut être le voir en activité. Depuis, nous avons un
magnifique dessin de la forêt pétrifiée dans le camping car.
La
descente continue. A 30km avant Puerto San Julian, on s'engouffre sur
une piste, le circuito costero. On s'arrête en haut d'une falaise.
On est seuls ou presque. Un photographe semble apprécier autant le
paysage que nous. Quand il retourne à sa voiture, il s'arrête à
notre hauteur. Il s'agit du conducteur du bateau de l'île aux
Pingouins ! Les lions de mer en contrebas et les cormorans de
Gaimard, encore un spectacle enchanteur. Le circuit est vraiment de
toute beauté (presque aussi beau que la ria Deseado). Du coup, on
reste ! On élit domicile sur une plage couverte de salicornes
et faisant face au balet des manchots.
On
se décide pour la reserva natural de San Julian, qu'on aperçoit en
face de notre bivouac. Finalement, on est déçu. Il y a énormément
de vent et la route est finalement longue jusqu'à la pointe. On a
juste l'impression d'être dans un nuage de poussière pendant
plusieurs heures. Très long, très fatigant. Bon, à l'arrivée,
côté Atlantique, on verra quand même des dauphins !
Finalement après un passage éclair sur Puerto San Julian (pour
repérer où on peut avoir du wifi), on retourne sur notre petite
plage.
Dernier
bivouac sur la côte : Parque Nacional Monte Leon. On traverse
d'abord Comandante Luis Piedra Buena. Nous hésitons pour nous
arrêter. L'isla Pavon, au milieu de l'embouchure du rio Santa Cruz,
semble bien reposante. Finalement, nous poussons jusqu'au parc. Les
gardes commencent par nous dire que l'entrée est fermée car il a
plu. On se propose de dormir devant l'entrée du parc avec un autre
camping car. Finalement, la route est praticable et les paysages
stupéfiants. Nous croisons des guanacos sur la piste jusqu'au
littoral. Le camping (obligatoire) est très sommaire :
seulement des toilettes. Mais tout est très propre et les
propriétaires sont charmants (presque autant que la note). Et la
vue.... Au coucher du soleil la montagne devient jaune puis rouge ;
le ciel rose.
Une
bonne nuit de sommeil avant la visite du parc. D'abord la plage du
camping, l'îlot envahi de cormorans, la colonie de lions de mer et
la pinguinera. Les enfants font toute la randonnée au pas de course
à l'aller. Il y a des panneaux indiquant la présence de pumas, ça
les motive. Mais les tâches jaunes et bleues des coupe-vent des
enfants se voient de loin et pour les pumas aveugles, il y a les
chants de Noël ! Par contre, en arrivant devant les manchots,
Léonis n'en peut plus. Il faut dire qu'il a passé une heure dans
son lit à chanter pendant la sieste. Il pleure. Il ne veut rien
voir. Bon, ben, on repart, alors.
Dernière
nuit côté Atlantique, en bord de ruta 3, avant la traversée par la
ruta 9, 200km de piste, (Je vous ai dit qu'on aimait ça) pour la
Cordillère des Andes.